Négocier fait partie du quotidien, que ce soit dans le monde des affaires, au sein d’une institution ou même dans la vie privée. Pourtant, même les négociateurs expérimentés commettent des erreurs qui réduisent la qualité des accords et fragilisent les relations. La recherche en psychologie, en sciences sociales et en management a largement étudié ce qui différencie une négociation réussie d’un échec.
Dans cet article, nous allons passer en revue 8 erreurs fréquentes en négociation, mises en lumière par des travaux scientifiques, et voir comment les éviter pour obtenir de meilleurs résultats. L’objectif : vous donner des conseils pratiques et stratégiques pour améliorer vos compétences de négociateur, développer votre pouvoir d’influence et conclure des accords plus solides.
Les erreurs fréquentes en négociation qui font échouer un accord
Même avec une bonne préparation et une stratégie claire, de nombreux négociateurs tombent dans des pièges récurrents. Ces erreurs, souvent inconscientes, réduisent la valeur globale des accords et compliquent la relation avec l’autre partie. Les sciences du comportement ont identifié plusieurs biais et attitudes qui limitent la performance, qu’il s’agisse d’un rapport de force mal géré, d’une mauvaise utilisation des émotions ou encore d’un manque de cadrage.
Identifier ces erreurs est la première étape pour progresser. En comprenant ce qui ne fonctionne pas, il devient possible de transformer une simple confrontation en un dialogue constructif, où chaque partie préserve ses intérêts tout en bâtissant une relation de confiance.
Dans les sections qui suivent, nous allons analyser les 8 erreurs de négociation les plus fréquentes révélées par la recherche scientifique, et proposer des pistes concrètes pour les éviter.
Négocier n’est pas “gagner contre” l’autre
Une idée reçue est de considérer la partie adverse comme un ennemi qu’il faut vaincre. En réalité, la science montre que les accords solides se construisent lorsque l’on tient compte des différents points de vue et que l’on cherche une résolution de conflit durable. Dans une entreprise ou une société, cette approche collaborative permet non seulement de conclure un accord équilibré, mais aussi de garder une relation de confiance.
Plutôt que de défendre des positions rigides, les négociateurs performants cherchent à comprendre les intérêts sous-jacents des deux parties. Ce travail d’exploration ouvre la voie à des solutions créatives, où chacun obtient une part de valeur sans sacrifier la relation. Les chercheurs parlent notamment de “log rolling”, c’est-à-dire l’art d’échanger des concessions sur des points secondaires pour maximiser le bénéfice global.
Un facteur clé identifié par les études est la prise de perspective : se mettre à la place de l’autre permet de repérer des zones d’accord invisibles au premier abord. Cette capacité favorise non seulement la création de valeur, mais aussi son partage équitable, ce qui augmente la satisfaction et réduit le risque de rupture à long terme.
En d’autres termes, bien négocier ne consiste pas à battre son interlocuteur, mais à trouver ensemble une solution qui fonctionne pour les deux parties. (Source)
On ne naît pas négociateur, on le devient
On pense souvent que certains sont « doués » pour la négociation… et d’autres pas. Pourtant, les recherches sont formelles : négocier s’apprend.
Ce qui fait la différence, ce ne sont pas les traits de personnalité, mais des compétences clés :
- une bonne préparation,
- des objectifs clairs,
- la capacité à comprendre l’autre partie,
- la gestion des émotions,
- et des techniques de communication efficaces.
Des études montrent qu’un objectif ambitieux améliore les résultats, et qu’un entraînement structuré (mises en situation, feedback) renforce les performances.
Autrement dit : nul besoin d’un “don” pour bien négocier. Ce qu’il faut, c’est s’entraîner, se préparer, et apprendre à ajuster son approche à chaque contexte.
(Source)
Être aimable et ferme, c’est un avantage
Beaucoup de négociateurs redoutent d’être perçus comme trop conciliants. Ils craignent que la courtoisie soit interprétée comme un signe de faiblesse et préfèrent adopter une posture dure. Pourtant, les études démontrent que l’amabilité associée à la fermeté est bien plus efficace qu’une attitude uniquement compétitive.
Être aimable et ferme ne signifie pas se laisser dominer par l’adversaire. Toute personne capable de combiner un dialogue respectueux avec une écoute active garde un atout majeur en négociation. Cette attitude est utile non seulement pour aider l’autre partie à s’exprimer, mais aussi pour mieux se positionner face aux demandes parfois exigeantes.
La recherche montre aussi que la prise de perspective est plus performante que l’empathie pure : il ne s’agit pas seulement de comprendre les émotions de l’autre, mais de saisir sa logique et ses intérêts. Cette approche maximise la création de valeur et augmente la capacité à en capter une part équitable.
En somme, un bon négociateur sait rester aimable sans céder, ferme sans être agressif. C’est cet équilibre qui lui donne à la fois crédibilité, influence et pouvoir de négociation. (Source)
Le silence bien placé crée de la valeur
Dans une négociation, le silence peut sembler inconfortable. Beaucoup cherchent à le combler immédiatement par des arguments, des justifications ou des concessions. Pourtant, les recherches démontrent que savoir se taire au bon moment est une véritable technique de négociation.
Quelques secondes de silence suffisent à casser la logique “gagnant-perdant” et à encourager une réflexion plus calme et créative.
Utilisé avec stratégie, le silence devient un outil puissant pour :
- laisser à l’autre l’espace de s’exprimer davantage,
- obtenir des informations supplémentaires,
- créer une légère tension qui pousse l’interlocuteur à combler le vide (souvent par une concession),
- et surtout, gagner du temps pour réfléchir avant de répondre.
Contrairement à l’idée reçue, le silence n’est pas un “blanc” gênant : c’est un levier de communication qui améliore la qualité et la valeur globale de l’accord. Les négociateurs qui savent l’utiliser augmentent non seulement leurs chances de succès, mais aussi la satisfaction de leur interlocuteur. (Source)

Mentir fragilise votre pouvoir… y compris quand “ça marche”
Mentir ou manipuler l’information peut donner un gain immédiat, mais la recherche montre que cela affaiblit le pouvoir de négociation sur le long terme. Tromper son interlocuteur — même subtilement par des vérités partielles (paltering) — entraîne une perte de confiance, une atteinte à la réputation et une coopération réduite dans les négociations futures.
À l’inverse, une franchise maîtrisée permet de préserver sa crédibilité, donc son influence. En négociation, la confiance est un capital stratégique : mieux vaut gérer ce que l’on partage avec précision et timing, plutôt que de manipuler.
La première offre n’est pas un piège… si vous savez l’utiliser
Beaucoup de négociateurs hésitent à formuler la première offre, de peur de “se découvrir” ou de se placer en position de faiblesse. Pourtant, les études en psychologie montrent que la première offre agit comme un ancrage puissant qui influence fortement l’issue finale de la négociation.
Faire la première proposition, lorsqu’elle est préparée et justifiée par des données solides (comparaisons de marché, normes, scénarios), peut donner un avantage significatif. Cet ancrage oriente la discussion et cadre les échanges dans une zone favorable.
À l’inverse, recevoir une première offre demande de ne pas la subir : il faut la recadrer méthodiquement, poser des questions, et présenter des alternatives qui redéfinissent le cadre de référence.
En pratique, la clé n’est pas d’éviter la première offre, mais de savoir l’utiliser intelligemment : soit pour orienter la négociation à votre avantage, soit pour contrer l’ancrage de l’autre partie et rétablir l’équilibre.
Les émotions comptent, et leur affichage est stratégique
Une négociation n’est jamais un simple échange rationnel : les émotions jouent un rôle central. Selon le modèle EASI (Emotions as Social Information), les émotions que nous exprimons influencent directement la perception et le comportement de l’autre partie.
Par exemple, manifester de la colère peut parfois pousser l’adversaire à concéder plus rapidement, mais cela détériore aussi la satisfaction et la coopération future. À l’inverse, un affichage de calme et de maîtrise renforce la crédibilité et ouvre la voie à un dialogue constructif.
L’essentiel n’est donc pas de supprimer ses émotions, mais de les gérer et les utiliser stratégiquement. Choisir ce que l’on montre (et comment) devient une compétence clé : une émotion affichée avec justesse peut être un levier d’influence, tandis qu’une réaction incontrôlée risque de ruiner des heures de préparation.
En négociation, l’intelligence émotionnelle est donc aussi importante que les arguments chiffrés.
Votre BATNA est une source de pouvoir… et sa perception compte autant que sa réalité
En négociation, le concept de BATNA (Best Alternative to a Negotiated Agreement), c’est-à-dire la meilleure alternative en cas d’échec, est un élément central du pouvoir de négociation. Plus vos alternatives sont solides, plus vous êtes en mesure de négocier avec confiance et fermeté.
Mais la recherche montre que ce n’est pas seulement la réalité de votre BATNA qui compte, c’est aussi la perception qu’en a l’autre partie. Même une alternative incertaine, appelée parfois “BATNA fantôme”, peut modifier la dynamique et influencer l’issue des discussions.
En pratique, cela signifie deux choses :
- Connaître et renforcer votre propre BATNA, pour ne jamais négocier dans une position de dépendance totale.
- Gérer la visibilité de votre BATNA : décider ce que vous rendez public, ce que vous laissez deviner, et ce que vous gardez confidentiel.
Un négociateur qui maîtrise son BATNA et la perception qui l’entoure dispose d’un véritable levier stratégique pour orienter l’accord final.
Conseils pratiques pour réussir une négociation selon la science
Les travaux scientifiques sur la négociation ne sont pas seulement théoriques : ils offrent des méthodes concrètes que chaque négociateur peut appliquer pour améliorer ses résultats. Voici quelques recommandations issues des recherches citées précédemment :
- Préparez une première offre solide : appuyez-vous sur des données de marché, des comparaisons ou des scénarios réalistes. Cette anticipation vous permettra d’utiliser l’effet d’ancrage à votre avantage.
- Structurez vos échanges avec méthode : alternez questions courtes, écoute active, silences stratégiques et reformulations. Ce cycle favorise un dialogue productif et limite les malentendus.
- Fixez des objectifs précis et ambitieux : définissez à la fois des objectifs d’issue (le résultat souhaité) et des objectifs d’apprentissage (les compétences à travailler). Cela réduit le risque d’impasse et améliore vos performances.
- Évaluez et cartographiez votre BATNA : identifiez vos alternatives, celles de l’autre partie, et décidez ce que vous souhaitez révéler ou non. Vous renforcerez ainsi votre pouvoir de négociation.
- Évitez toute tromperie : même si elle offre un gain ponctuel, elle détruit votre crédibilité. Privilégiez la transparence sélective et le bon timing dans la communication de vos informations.
- Maîtrisez l’affichage de vos émotions : exploitez-les comme un outil stratégique plutôt que de les subir. Un comportement calme et assuré renforce la confiance et favorise des accords durables.
Appliquées ensemble, ces pratiques permettent non seulement de réussir une négociation, mais aussi de bâtir des relations professionnelles solides, basées sur la confiance et la coopération.
Conclusion : transformer la science de la négociation en avantage concret
Bien négocier ne relève pas de l’improvisation ni du charisme inné. Les études scientifiques montrent clairement que la performance en négociation repose sur des techniques précises, une préparation rigoureuse et une gestion stratégique de la relation.
En évitant les erreurs les plus fréquentes : de la logique “gagnant-perdant” à l’usage excessif des émotions, en passant par la méfiance ou le mensonge… chaque négociateur peut améliorer ses résultats et renforcer son influence. La clé réside dans une approche équilibrée, qui allie fermeté, écoute et créativité.
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Sources principales
1. Galinsky, A. D. & Mussweiler, T. (2001). First offers as anchors: The role of perspective-taking and negotiator focus. Journal of Personality and Social Psychology, 81(4), 657-669.
→ Étude fondatrice montrant l’effet d’ancrage des premières offres.
2. Galinsky, A. D., Maddux, W. W., Gilin, D. & White, J. B. (2008). Why it pays to get inside the head of your opponent: The differential effects of perspective taking and empathy in negotiations. Psychological Science, 19(4), 378-384.
→ Montre que la prise de perspective est plus efficace que l’empathie seule pour créer et capter de la valeur.
3. Curhan, J. R., Overbeck, J. R., Cho, Y., Zhang, T. & Yang, Y. (2022). Silence is Golden : Extended Silence, Deliberative Mindsets, and Value Creation in Negotiation. Journal of Applied Psychology, 107(12), 2214-2233.
→ Montre que l’usage stratégique du silence augmente la valeur totale des accords.
4. Van Kleef, G. A. (2009). How emotions regulate social life : The Emotions as Social Information (EASI) model.Current Directions in Psychological Science, 18(3), 184-188.
→ Cadre théorique expliquant comment les émotions affichées influencent les comportements de l’autre partie.
5. Mazei, J., Hüffmeier, J., Freund, P. A., Stuhlmacher, A. F., Bilke, L. & Hertel, G. (2015). A meta-analysis on gender differences in negotiation outcomes and their moderators. Psychological Bulletin, 141(1), 85-104.
→ Méta-analyse montrant que les différences de genre sont faibles et dépendent surtout du contexte.
6. Pinkley, R. L. & Neale, M. A. (1995). The effects of alternatives to settlement in dyadic negotiation.Organizational Behavior and Human Decision Processes, 62(1), 52-65.
→ Étude sur l’importance de la BATNA (meilleure alternative à un accord négocié).
7. Pinkley, R. L., Conlon, D. E. & Sawyer, J. E. (2019). The power of phantom alternatives in negotiation. Journal of Behavioral Decision Making, 32(3), 291-302.
→ Montre que même des alternatives incertaines (« BATNA fantômes ») modifient la perception de pouvoir.
8. Lewicki, R. J. & Robinson, R. J. (1998). Ethical and unethical bargaining tactics: An empirical study. Journal of Business Ethics, 17(6), 665-682.
→ Étude empirique sur les tactiques éthiques et non éthiques en négociation.
9. Rogers, T., Zeckhauser, R., Gino, F., Norton, M. I. & Schweitzer, M. E. (2017). Artful Paltering: The Risks and Rewards of Using Truthful Statements to Mislead Others. Journal of Personality and Social Psychology, 112(3), 456-473.
→ Analyse du paltering (tromperie par vérités partielles) et de ses effets négatifs sur la confiance.
10. Hüffmeier, J., Freund, P. A. & Zerres, A. (2014). Goal setting and negotiation performance : A meta-analysis.Group Processes & Intergroup Relations, 17(5), 588-611.
→ Méta-analyse montrant l’impact positif d’objectifs précis et ambitieux sur la performance en négociation.